Quand j’ai commencé à jouer Annie Oakley dans La Légende de Buffalo Bill dans le Disney Village en décembre 2008, c’était un rêve devenu réalité. Je n’avais pas pensé que ce serait possible de combiner mes deux passions dans un seul travail. J’ai joué la comédie devant plus de 1000 personnes, dans une arène intérieure, à cheval. C’était aussi un spectacle immersif, même si on n’employait pas ce terme à l’époque.
Il y avait à manger, dans le style « western » : chili con carne, poulet rôti, pommes de terre et pain de maïs. Il y avait l’odeur, pas exprès mais bien présente, des chevaux, des vaches, du sable, et de la cuisine. Il y avait plusieurs moments d’interaction et de participation du public. La musique, les lumières et les effets sonores, et surtout l’ambiance permettaient de se plonger dans le spectacle.
On m’a mis dans le spectacle en urgence.
Il n’y avait qu’une semaine de répétitions avant ma première représentation. Premièrement, il fallait apprendre à maîtriser les armes et je n’en avais jamais manipulé de ma vie (même si les balles étaient à blanc, la dangerosité des armes me semblait bien présente). Ensuite, je devais apprendre à coucher le cheval et faire le tour du candélabre en tirant avec une carabine. Ce n’était pas deux exploits faciles si le cheval décidait de ne pas coopérer. Enfin, il fallait apprendre tous les dialogues, les déplacements, les changements de costumes et les attributs du personnage. C’était une semaine très intense.
La première représentation s’est correctement passée. Ce serait long de compter le nombre de représentations que j’ai fait par la suite. J’ai continué à jouer Annie Oakley dans le Wild West Show jusqu’en 2020, lorsque le COVID a fermé le spectacle définitivement. Quand je l’ai su, au moins six mois après ma dernière représentation, j’en étais vraiment triste. Si seulement j’avais su que c’était ma dernière. Je l’aurais peut être savouré encore plus, pris le temps de dire au revoir et merci à tous les chevaux, prendre des photos et des vidéos en souvenirs. Mais trop souvent dans la vie, on ne sait pas que c’est la dernière fois... Une leçon qui se répète : savourer chaque moment de la vie toujours car on ne sait jamais si c’est le dernier.
Sur les onze ans où j’ai joué Annie Oakley dans La Légende de Buffalo Bill, j’ai créé beaucoup de souvenirs : des bons ou des mauvais, des émouvants et des drôles.
Je vais vous en raconter quelques uns.
Un jour, mon cheval Target est tombé à genoux alors qu’il avait trébuché en faisant le tour du candélabre. Heureusement, j’ai glissé le long de son encolure pour arriver à genoux dans le sable devant lui. Personne n’était blessé, mais ce n’était pas loin de l’être. La chance était avec nous.
Une fois (heureusement ce n’était pas plus), en tirant avec la carabine pendant la scène de la compétition de tir, une douille est tombée dans le col de mon costume (chose étrange tellement le col était serré). La douille brûlante a glissé à mi-poitrine à gauche et elle me brûlait comme un tison. Mais pour enlever mon costume, il fallait défaire les lacets dans le dos, c’était impossible à faire sur scène et toute seule. J’ai dû finir la scène comme si rien n’y était, et sortie de scène, ma costumière a pu m’enlever mon costume. J’ai encore la cicatrice de cet incident.
Souvent, nous avions des invités VIP qui venaient en coulisses pour prendre des photos avec nous. Je me souviens quand Phil Collins, le chanteur de Genesis, est venu voir le spectacle (il venait environ une fois par an) et qu’il a demandé à avoir une photo avec nous. Ou alors, on voulait une photo avec lui ? Je ne sais plus qui était la célébrité sur le moment !
Tous les moments passés à papoter avec les coiffeuses, maquilleuses, habilleuses pendant qu’elles me préparaient pour le spectacle ou entre les scènes lors des changements de costumes.
Toutes les conversations avec mes collègues en mangeant dans la cantine pas bonne mais pas chère de Disney Village.
Les visages illuminés des petites filles quand elles venaient tirer la carabine avec moi pendant la compétition de tir.
Les moments érotiques avec un collègue dans ma loge pendant la scène du « Cattle Trail » quand j’avais environ 20 minutes pour me détendre avant de retourner sur scène.
La méditation transcendantale avec ma collègue entre les deux spectacles (nous faision deux représentations par soir).
Tous les amis qui sont venus me voir jouer et que j’ai amené en coulisses pour voir les chevaux et rencontrer mes collègues.
Quand le pantalon d’un des cowboy s’est déchiré grand ouvert au niveau des fesses pendant le Pony Express !
Ou encore quand mon cheval préféré de tous, Foxy, le petit Quarter Horse palomino, aimait tellement son travail, qu’il poussait des petits cris d’anticipation joyeuse alors qu’on attendait notre entrée derrière le rideau. Il aimait poser son menton sur mon épaule pendant que je le grattouillais.
Tous ses souvenirs, et tellement d’autres, me font dire qu’il me faudrait écrire un livre pour tous les raconter. C’était une belle expérience artistique, équine, humaine, et immersive. Je suis vraiment heureuse d’avoir pu passer ces 11 années à jouer dans La Légende de Buffalo Bill.
Par Elena Odessa Ray